Nous sommes dans une logique de développement harmonieux de l’activité



À votre retour de Chine en 2011, vous rachetez l’autocariste Transarc. Comment s’est effectué le rachat et où en est l’entreprise aujourd’hui ?

Damien Rameau : à mon retour de Chine, je cherchais à reprendre une entreprise et la BPI a été la tête de file des supports financiers qui nous ont permis de racheter par la dette l’autocariste jurassien Transarc, groupe familial très sain et solidement implanté en Bourgogne Franche-Comté.

Quatre ans plus tard, Transarc est un groupe de transport composé de 17 entreprises de transport, de support aux transporteurs et de franchisés Vulco. Fort de ses 19 millions d’euros de chiffre d’affaires, de ses 440 employés (240 équivalents temps pleins) et de ses 330 autocars, l’entreprise est présente dans 10 départements (l’Ain, l’Allier, la Côte d’or, le Doubs, la Haute Saône, l’Isère, le Jura, la Loire, la Saône et Loire et l’Yonne). Et aujourd’hui, nous sommes le 15e autocariste de France.

Cette réussite est très impressionnante. Quel a été le modèle économique d’un tel succès ?

D.R. : notre modèle économique consiste à intégrer l’amont du métier en internalisant tout ce qui touche l’autocar une fois sorti d’usine. Ainsi, nous possédons une filiale dédiée à la mécanique qui est agent Mercedes, deux magasins Vulco pour tout ce qui touche le pneumatique et nous réalisons toutes nos prestations liées au vitrage, aux éthylotests antidémarrage et à la climatisation. Plus récemment, notre diversification dans le pneu a été motivée par le fait que pour un autocariste, il s’agit d’un gros poste de coût, ainsi que par notre besoin de flexibilité (quand un camion a un problème à 3 h du matin, il est difficile de faire appel à un prestataire). Mais l’intégration de l’amont du métier ne s’arrête pas au matériel. Une entreprise, c’est surtout de l’humain et dans notre cas, sur nos 440 employés, nous comptons 400 conducteurs. Pour cette raison, nous avons filialisé une auto-école et un centre de formation, une manière de nous assurer et surtout d’assurer nos passagers de la compétence de nos chauffeurs.

Ce modèle nous permet aujourd’hui de positionner notre offre, comme le fait Easy Jet, en « low cost » de qualité. Ainsi, nous investissons 4 à 6 millions d’euros par an, ce qui nous a permis de rajeunir notre parc d’autocars. Lorsque nous avons repris Transarc, la moyenne d’âge des véhicules était de 5,5 ans. Elle est aujourd’hui de 4,5 ans et comme vous le savez, la valeur d’une entreprise d’autocar est très liée à la jeunesse de son parc…

Quel est votre modèle de production ?

D.R. : notre objectif est de générer un maximum d’économies d’échelles tout en restant très souple pour être au plus près de la demande des clients. Nos valeurs expliquent assez bien notre modèle productif ; il s’agit de « TISS » ! T pour transparence en interne, ce qui nous permet de comprendre les problèmes de chacun et d’apporter une aide adaptée avant que la situation s’aggrave, mais également en externe, nous communiquons le plus rapidement possible vers nos clients en cas d’imprévu. I pour innovation. Enfin, les deux S signifient sécurité et services, qui sont deux éléments fondamentaux de notre métier.

On parle beaucoup de transformation numérique des entreprises, nous sommes en plein dedans ! Les outils collaboratifs font partie de notre quotidien, comme par exemple Box, Smartsheet ou Perinfo. Nous développons également des logiciels maison comme un logiciel de suivi de la conformité des véhicules. Il y a quasiment 70 points de contrôle dans un véhicule, des pneus jusqu’à l’autoradio, et 12 papiers différents à posséder sous peine de se voir verbalisé. Ce logiciel de conformité rentre dans notre organisation industrielle. Toutes ces applications nous permettent de générer des gains de productivité considérables, de la qualité et beaucoup de sécurité. Ainsi, avec de bons outils et de la méthode, on gagne en compétitivité et en qualité.

La récente loi de libéralisation des transports par autocar permet l’ouverture de nouvelles lignes de plus de 100 km. Comment voyez-vous cette mesure en faveur des autocaristes ?

D.R. : le métier d’autocariste était totalement bridé par le monopole d’État. Par exemple, je n’avais pas le droit de faire des Dijon-Paris de manière régulière et de faire payer des clients pour ça. La loi Macron, de libéralisation des transports par autocar permet aujourd’hui l’ouverture de ce type de ligne.

Du coup, un mois après la publication du décret d’application de cette loi, nous nous sommes alliés avec l’entreprise allemande FlixBus, leader en Allemagne du transport longue distance par autocar. Et nous avons ouvert la ligne Paris-Dijon-Genève. Aujourd’hui, nous faisons des rotations 365 jours par an et quasiment 24 h sur 24 et cela marche très bien ! Nos taux de remplissage avant les attentats étaient de 60 %, un taux qui a été divisé par deux à la suite des attentats, mais qui remonte cependant progressivement depuis. Nous ne sommes donc pas inquiets.

Face à ce succès, envisagez-vous d’ouvrir prochainement de nouvelles lignes ?

D.R. : nous avons d’ores et déjà affecté 4 véhicules à cette liaison et embauché l’équivalent de 21 conducteurs. C’est un investissement fort, il n’y a rien de subventionné, ce sont nos propres deniers qui sont en jeu. Aujourd’hui, en équivalent temps plein, nos effectifs ont grossi de près de 10 %. Il nous faut donc digérer cet investissement, d’autant plus que nous avons acheté deux entreprises de transport local cette année : Les Voyages Marchal à Tournus (71) et Les Transports Aquilon à Roanne (42). Car nous ne souhaitons pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. En effet, en n’investissant que dans les grandes lignes, nous n’aurions pas de retour sur investissement avant cinq ans, ce qui est déjà très bien mais constitue un investissement très lourd.

Vous parliez de freins historiques levés par la loi Macron, voyez-vous d’autres grands freins au développement du transport par autocar ?

D.R. : ce ne sont pas des freins car le métier s’est beaucoup libéralisé. Mais il va falloir que nous nous adaptions à la baisse des dotations des collectivités territoriales qui diminuent chaque année leurs services. Nous allons devoir faire évoluer nos offres et la loi Macron donne une partie des réponses à cette baisse tendancielle de la demande des collectivités territoriales. Aujourd’hui, nous enregistrons une croissance de 10 à 20 % par an, mais cela ne peut se faire que dans une logique de développement harmonieux de l’activité. Nous investissons, digérons nos investissements, puis réinvestissons. C’est en résumé la clé de notre succès !

Fiche d’identité

Dénomination : Transarc
Activité : autocariste
Siège : Lons-le-Saunier (39)
Chiffre d’affaires : 19 millions d’euros
Effectif : 440 personnes (240 équivalents temps plein)

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