Nous portons un véritable projet social



Quel est votre parcours ?

Frédéric Sarkis : j’ai un parcours un peu original. J’ai fait Normale Sup et je suis aujourd’hui professeur de mathématiques à l’université. J’ai, par ailleurs, baigné dans le monde des affaires dès mes 8 ans, car j’ai commencé à cet âge à rédiger les fax de mon père, à assister à ses réunions. Au cours de ma scolarité, j’ai monté deux entreprises familiales. J’ai été gérant d’un hôtel familial à Paris pendant 5 ans et j’ai aidé à créer un magasin de chaussures de luxe sur les Champs-Élysées avec ma sœur et mon beau-frère. J’ai aussi une expérience de militantisme de plus de 15 ans dans le milieu associatif et j’ai été élu local pendant 6 ans à l’économie sociale et solidaire où j’ai monté de nombreux projets associatifs et économiques.

Comment est venue l’idée de Microstop ?

F. S. : Microstop a commencé en 2015, avec l’un de mes voisins, Olivier Carles, qui a un cabinet de conseil en réduction des émissions de carbone. C’est dans ce cadre qu’il s’est intéressé au secteur de la mobilité. Le constat est que les transports en commun ne peuvent être l’unique solution à la réduction des émissions car, hors avions et TGV, ils ne représentent que 6 % du trafic, contre plus de 80 % pour la voiture. Pour tout faire en transports en commun, il faudrait les multiplier par 15, voire plus dans les zones peu denses, ce qui est impossible. De même, l’amélioration des rendements des véhicules ou les comportements vertueux comme le vélo ou le télétravail, ne vont pas permettre de diviser par 4 les émissions liées au transport, ce sur quoi la France s’est engagée.

Quel est l’objectif de Microstop ?

F. S. : l’idée de Microstop n’est pas de ne plus prendre la voiture, mais plutôt de doubler le nombre de passagers. Aujourd’hui, le taux de remplissage est, par exemple, de 1,5 personne par voiture sur les trajets domicile-travail. Or, en s’organisant différemment, on peut doubler le taux de remplissage des voitures. C’est ça l’objectif de Microstop. Nous portons un véritable projet social.

Nous pensons que le covoiturage courte distance est comparable au tri sélectif. Il y a un gros intérêt collectif, mais la pratique n’est pas là, notamment parce qu’il n’y a pas de motivations économiques contrairement au covoiturage longue distance. Mais ce dernier ne représente qu’un quart des trajets en voiture. Pour réduire les émissions de carbone, c’est sur la courte distance qu’il faut donc travailler.

Quel est le modèle de Microstop ?

F. S. : nous ne raisonnons pas en termes de chiffre d’affaires, même si l’idée est d’avoir un modèle économique viable, mais nous avons l’ambition d’atteindre un vrai pourcentage d’économies de carbone. C’est pourquoi nous avons créé une structure originale.

La start-up Objectif Carbone Mobilité (OCM) a développé et produit l’application Microstop qui a été vendue au réseau associatif du même nom. Elle a été financée par l’apport en numéraire des trois fondateurs, Olivier Carles, Patrice de Coen et moi, et un apport en travail du 4e fondateur, Mohamed Khanfir, qui est un programmeur.

Nous avons également reçu des financements privés classiques, notamment de Bpifrance Innovation. L’application sera aussi développée sous marque propre Hello Stop.

Enfin, nous sommes en discussion avec certains groupes pour leur vendre l’application sous marque blanche. Même si le principe général est que la base d’utilisateurs soit mutualisée, sauf cas particulier.

Microstop, c’est aussi un réseau associatif de développement local dont le modèle économique ne repose pas sur une commission sur les trajets comme les autres start-up comparables, mais sur la fourniture d’une prestation d’organisation de covoiturage. Nous proposons du conseil, des méthodologies d’organisation, de l’animation des communautés de covoiturage.

Comment fonctionne concrètement Microstop ?

F. S. : l’application Microstop met en relation des conducteurs avec des passagers pour des trajets de proximité. Le service est gratuit, même si à terme nous pourrions prévoir un abonnement de 3 € par mois. Pour encourager les conducteurs à rejoindre la communauté, nous proposons pour l’instant des bons d’essence. Une aide sur l’entretien de la voiture pourrait également être envisagée.

Cependant, nous n’utilisons pas que l’application pour développer le covoiturage, nous faisons également appel aux associations locales et nous allons chercher directement des personnes qui font le même trajet.

Comment développez-vous Microstop ?

F. S. : nous travaillons avec les associations locales, les collectivités et les entreprises. Nous avons adopté une stratégie de « communautés d’usage », des groupes de personnes qui ont le même comportement de déplacement. Et nous voulons les démultiplier, en les travaillant une par une. Nous discutons notamment avec les entreprises, qui constituent, elles aussi, des communautés d’usage.

Nous travaillons également avec les HLM pour organiser du covoiturage dans les cités, qui sont généralement enclavées socialement et en termes de mobilité. Nous créons aussi un outil de reproduction pour que tous les offices HLM et les autres acteurs locaux puissent s’emparer du projet. C’est pour ça que l’application mobile a été conçue comme un couteau suisse, associant des outils de réservation d’un créneau unique, en temps réel et pour les trajets réguliers, car chaque groupe a son incitation propre et sa manière d’utiliser l’outil.

Sur quels projets travaillez-vous avec les collectivités locales ?

F. S. : nous travaillons avec les collectivités locales, car les transports en commun ne peuvent pas répondre à toutes les questions de mobilité, en particulier dans les zones péri-urbaines et rurales où les habitants n’ont, comme solution, que la voiture.

Nous avons des projets pilotes en discussion ou en amorçage, notamment dans les lignes de covoiturage haute fréquence. L’idée est que sur un axe routier très fréquenté, il est possible de créer une ligne de bus. Mais si 100 conducteurs jouent le jeu d’ouvrir leurs 3 sièges vides au covoiturage, sur 2 heures de pointe, cela représente un bus de 30 places toutes les 2 minutes.

De même, nous travaillons sur le transport à la demande en zone rurale. Un segment sur lequel il y a un très gros potentiel de développement du covoiturage, car cela coûte très cher aux collectivités, ce type de services relevant de l’intérêt public. Le covoiturage peut être complémentaire du transport à la demande, notamment parce que ce dernier constitue une garantie de retour, s’il n’y a pas de covoiturage disponible.

Grâce au covoiturage, la collectivité peut diminuer les coûts et choisir d’étendre le service ou de réallouer les fonds à d’autres projets.

Fiche d’identité
Dénomination : Microstop
Activité : service d’organisation de covoiturage sur des courtes distances
Siège social : Colombes (92)
Taille du réseau : 2 associations locales, dans les Hauts-de-Seine et le Nord

© Les Echos Publishing - 2016