Nous devons être partout



Quel est votre parcours et comment a été créé Santé Mobilité Services ?

Thierry Schifano : j’ai créé une entreprise de transport en 1981 avec un véhicule. En 2017, le groupe avait 450 salariés et réalisait 20 M€ de chiffre d’affaires. Nous avions deux métiers : le transport et l’organisation de transport. Dans ce cadre, nous devions trouver des gains de productivité et d’optimisation pour l’Assurance maladie et pour les transporteurs. Je suis alors allé voir la CDC qui m’a mis en relation avec sa filiale Transdev. C’est le mélange des deux structures qui a abouti à SMS le 1er janvier 2016. Nous sommes alors passés d’un modèle artisanal à un modèle industriel.

Julien Augerat : je viens d’un environnement très différent : je suis plutôt un industriel des services. J’ai commencé par la mise en place des services aux clients des joint-ventures liées à l’eau en Chine. J’ai ensuite travaillé dans les transports sur la relation client, puis sur des appels d’offre. Quand j’ai rencontré Thierry chez Transdev, l’enjeu était d’associer les compétences d’un industriel des services au savoir-faire d’un artisan pour faire pleinement entrer le secteur dans l’ère digitale et créer un modèle national.

T. S. : le modèle du transport sanitaire va complètement changer dans les 3 ans à venir avec, par exemple, l’organisation d’appels d’offres au niveau des établissements de santé. Au lieu de subir le changement, nous préférons l’anticiper et créer des solutions répondant aux enjeux de tous les acteurs, via le décloisonnement et la modernisation des pratiques. Nous ne serons donc pas en réaction si un acteur comme Uber entre dans le secteur. Notre pari, avec nos partenaires, c’est que nous serons le principal acteur en France, avec, in fine, une part de marché de 20 à 30 %.

Quel est le modèle de SMS ?

J. A. : nous gérons deux offres : le réseau Carius et une offre pour les établissements de santé. Celle-ci est ouverte à tous les transporteurs sanitaires et taxis conventionnés, dans une logique de tiers de confiance. Aujourd’hui, chaque partie prenante fonctionne en silo et ne travaille pas bien avec les autres : l’hôpital qui prescrit, l’ambulancier qui fait le transport, l’Assurance maladie qui finance et le patient.

T. S. : nous développons un nouveau modèle, qui s’appuie sur l’intéressement aux performances et non sur le financement de l’organisation comme le font les intermédiaires plates-formistes. Pour les établissements, nous devons travailler la fluidité, accélérer la dématérialisation et améliorer la qualité de prestation. Pour l’Assurance maladie, nous devons faire des économies. Nous avons démontré notre capacité à réduire la dépense jusqu’à 30 %. Les entreprises de transport, elles, décrochent et il faut reconstruire leurs marges. C’est possible en réduisant la sous-productivité liée à l’inorganisation de la filière. Le patient attend, lui, des services plus performants.

J. A. : à côté, nous avons le réseau d’entreprises indépendantes Carius. Les partenaires partagent plusieurs choses, à commencer par une enseigne. Ils conservent leur identité et leur marque, à côté de la marque Carius, et leur liberté de fonctionnement. Mais ils doivent respecter le cahier des charges et les engagements du réseau. Première enseigne au niveau national, Carius veut aussi être la principale en termes de qualité de services et de solutions innovantes pour les patients.

Les partenaires ont accès à une offre de services exclusifs pour les aider à se développer, à renforcer leur productivité et à mieux anticiper l’avenir. Nous avons ainsi créé des outils innovants, s’appuyant sur l’intelligence artificielle, pour les aider à faire plus de transport avec les mêmes moyens et à mesurer finement ce qui se passe. Nos analystes performance regardent aussi leurs indicateurs et vont sur le terrain pour les aider à s’améliorer. Le réseau apporte aux entreprises une lecture globale en les comparant avec un benchmark de partenaires et d’autres standards de l’industrie du transport. Enfin, nous avons créé la Carius Care School, pour faire progresser en continu les compétences des ambulanciers.

Comment fonctionne l’application ?

J. A. : il s’agit de la première application pour commander un transport sanitaire, géolocaliser le véhicule, être prévenu d’une avance ou d’un retard, etc. Personne ne s’était encore positionné sur les nouveaux besoins des patients et de leurs aidants en termes de services numériques.

T. S. : quand le patient se connecte, il choisit le mode de transport prescrit : assis ou couché. L’application gère aussi l’ensemble des composantes médicales et sanitaires du transport pour que l’ambulancier envoie le moyen correspondant à la prescription. Nous gérons aussi des éléments liés à l’Assurance maladie pour assurer la bonne prise en charge.

J. A. : chaque patient ou aidant qui commande un transport choisit une entreprise de préférence dans le réseau Carius. S’il n’y en a pas, la société partenaire la plus proche du lieu de départ sera automatiquement proposée. Ainsi, chaque entreprise conserve la maîtrise de l’assignation du véhicule et garde un lien direct et privilégié avec ses patients. Nous offrons tous les services qui pourraient être proposés par un « Uber », mais nous sommes en contrepied total. Nous ne voulons pas remplacer les professionnels du secteur, mais les accompagner. Il n’y a pas non plus de commissions facturées. Par contre, nous prenons des engagements de qualité de services et nous faisons une évaluation ensuite. Mais celle-ci n’est destinée qu’à l’ambulancier et au réseau pour s’améliorer en permanence.

Où en est votre développement ?

J. A. : nous avons ouvert le déploiement fin novembre et avons plus de 50 entreprises partenaires aujourd’hui. Sachant que nous grandissons dans une logique de sélection réciproque. L’entreprise candidate choisit Carius et nous aussi, via des audits pour s’assurer d’avoir le « haut du panier » : les entreprises les plus engagées dans la qualité de services, l’exemplarité au niveau de l’Assurance maladie, la formation et la gestion des salariés. Une fois que Carius est déployé sur un territoire, la cooptation permet de construire un réseau basé sur la solidarité. C’est important puisqu’à partir du moment où nous affichons l’image Carius sur les véhicules de nos partenaires, leur identité est liée à la nôtre.

T. S. : en termes de développement local, nous allons de la frontière italienne jusqu’au Pays Basque. Nous sommes aussi présents dans les Hauts-de-France et le Grand Est.

J. A. : et nous nous déployons en ce moment en Bretagne. Au total, une vingtaine de départements sont couverts au mois de juin. Jusqu’à aujourd’hui, nous y allions doucement le temps de roder le fonctionnement du réseau. Là, nous accélérons, avec des personnes en interne qui travaillent uniquement sur le déploiement du réseau et une première campagne de communication en juin. Nous devons être partout.

Fiche d’identité
Dénomination : Santé Mobilité Services (SMS)
Activité : réseau national de transport sanitaire et organisation de la mobilité des patients
Année de création : 2016
Maillage territorial : une vingtaine de départements dans le Sud de la France, les Hauts-de-France, le Grand Est et la Bretagne

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