Nous avons choisi un modèle à la demande



Quel est votre parcours ?

Benjamin Chemla : avant Stuart, Clément Benoit a fondé en 2006 l’un des pionniers de la livraison de restaurants, Resto In. L’entreprise avait à la fois un modèle de marketplace et de logisticien. De mon côté, j’ai lancé Citycake.fr en 2011, un peu sur le même modèle, mais à destination des pâtissiers et des chocolatiers. Nous leur offrions un outil de vente à distance et un service de logistique pour assurer les livraisons dans l’heure. Quand mon entreprise a commencé à grossir, je me suis demandé quelles pouvaient être les meilleures solutions pour gérer la logistique du dernier kilomètre. Je me suis donc rapproché des différents acteurs du marché il y a 3 ans et demi, et notamment de Clément Benoit afin de mieux appréhender ma propre logistique, de comprendre la sienne et aussi de voir dans quelle mesure il pourrait y avoir un intérêt à les mutualiser. Finalement, ce qui n’aurait dû n’être qu’un simple rendez-vous a abouti à la fusion de nos deux entreprises. Ensemble, nous avons créé un groupe plus global que nous avons amené dans 5 pays et 9 villes. Chemin faisant, l’envie d’une nouvelle création ensemble a abouti à Stuart.

Comment s’est déroulée la création de Stuart ?

B. C. : dans les derniers mois chez Resto In, c’est-à-dire il y a 2 ans, nous recevions de plus en plus de sollicitations de retailers et d’entreprises de e-commerce. Ils nous demandaient comment nous gérions les livraisons et si nous ne pouvions pas mettre nos livreurs à leur disposition. Ça a été un vrai déclic : nous avons compris que la livraison du dernier kilomètre allait être le principal enjeu de la vente en ligne. Or, avec la livraison de repas, nous avions l’expérience nécessaire du digital et de la logistique pour créer une espèce d’opérateur hybride, généraliste, c’est-à-dire qui livrerait de tout, et à la disposition de tous. Un modèle qui permet de capter une grande quantité d’offres et de demandes. L’outil va faire correspondre les besoins de livraisons et les livreurs disponibles.

Nous sommes partis d’une feuille blanche et avons dessiné ce qu’allait être notre business. Nous sommes ensuite allés challenger notre idée auprès d’un certain nombre d’acteurs comme le fondateur de Sushi Shop, Hervé Louis, les CEO d’Interflora, les équipes de Franprix, Carrefour, etc. Nous avons vraiment ressenti chez eux ce besoin, ce qui a confirmé notre intention. Nous avons alors créé l’entreprise, recruté 15 personnes et fait un premier tour de table de 1,5 M€ auprès de patrons du e-commerce comme Olivier Mathiot de Priceminister, Jacques-Antoine Granjon de Vente Privée ou Jean-David Blanc d’Allociné. Nous avons ensuite fait la rencontre du groupe La Poste qui, plus que n’importe qui, comprend l’importance croissante du e-commerce et son impact sur la logistique. Le e-commerce et le retail deviennent hyper local et la livraison ne va plus se faire au départ d’entrepôts situés à plusieurs centaines de kilomètres des agglomérations, mais en utilisant les stocks dans les villes ou directement en prenant les magasins comme points de départ. L’enjeu est aujourd’hui d’avoir des livreurs capables d’aller faire des retraits et de livrer très rapidement dans des créneaux très fins, voire de livrer dans l’urgence. Comprenant l’intérêt stratégique à être présent dans la logistique du dernier ou du premier kilomètre, La Poste a d’abord investi 20 M€ dans Stuart, avant d’en prendre totalement le contrôle en mars 2017. Ce rachat va permettre à Stuart de démultiplier son potentiel.

Quel est le modèle de Stuart ?

B. C. : chez Stuart, nous avons voulu faire l’inverse du modèle capacitaire qui est celui des acteurs « traditionnels » : le client achète des jours-hommes. Nous avons, de notre côté, choisi un modèle à la demande. Le livreur va réaliser une course pour une enseigne, puis pour une autre, etc. Nous avons un dispatch entièrement automatique.

En simultané, nous pouvons organiser plusieurs centaines de courses sur 5 villes sans intervention manuelle. Les livreurs sont géolocalisés et nous prenons en compte une somme de variables comme la distance à parcourir, la place nécessaire pour le colis ou encore le délai de livraison pour choisir le bon mode de transport. Cela nous permet, grâce à une grande quantité de commandes, un meilleur revenu par livreur, un meilleur tarif pour le client et moins d’intermédiation humaine.

Le service est plus efficient, plus précis, mais aussi plus écologique car il permet de maximiser le recours aux modes de transport moins polluants.

Mais notre prétention, ça n’est pas de remplacer les acteurs en place. Il y a des choses très bien qui existent, on vient cohabiter avec ces modèles.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

B. C. : nous sommes passés de 15 à 100 salariés en l’espace de 18 mois. Nous avons d’abord testé Stuart avec Resto In comme client. Nous avons ensuite commencé le démarchage massif de clients à Paris en mars 2016. Depuis, nous avons recruté plus de 500 clients dont 150 très réguliers et parmi eux, de grands groupes comme Carrefour, Auchan, Franprix, Cdiscount, The Kooples, Pizza Hut ou encore Zalando. Et le chiffre d’affaires de Stuart augmente actuellement d’à peu près 35 % chaque mois. Nous sommes désormais présents dans 5 villes de 3 pays. Les principales sont Paris et Barcelone, entre lesquelles nous avons partagé notre siège social : la tech et les datas en Espagne, la stratégie, la finance et le marketing en France. À Londres, nous avons une vingtaine de personnes, essentiellement des opérationnels, marketing et commerciaux, qui investissent le pays. Et sur les villes plus petites comme Madrid et Lyon, nous avons uniquement des équipes qui recrutent les livreurs indépendants.

Quels sont vos projets de développement ?

B. C. : nous vendons une solution logicielle qui s’interface avec les systèmes d’information de nos clients et qui vient intégrer dans leur chaîne la livraison du dernier kilomètre. Donc, si le succès est là, avec un minimum d’anticipation, nous pourrons ensuite ouvrir à toutes les villes de France où nos clients sont présents. Et c’est effectivement notre projet pour les prochains mois : lancer le service dans les principales villes françaises. De même en Angleterre et en Espagne. Nous nous appuyons sur les partenariats que nous avons pu conclure à Paris, à Londres et à Barcelone pour chercher de la profondeur au niveau national.

Par ailleurs, l’idée est de faire de Stuart un leader européen. Les principaux autres pays qui seront ciblés sont l’Italie, l’Allemagne, mais aussi les Pays-Bas.

L’objectif est d’y aller tranquillement car il faut avoir une bonne compréhension des pays. Il faut observer les spécificités légales, organisationnelles, etc. Chaque pays doit être appréhendé différemment.

Fiche d’identité
Dénomination : Stuart
Activité : service d’organisation de livraison express
Année de création : 2015
Siège social : Paris et Barcelone

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