Les médecines douces ont toute leur place à l’officine



Vous avez créé il y a trois ans l’enseigne Anton & Willem. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans cette aventure ?

Antoine Marchant : ma formation initiale et mon parcours professionnel ne me destinaient pas a priori à la création d’une enseigne de pharmacies ! Après des études d’ingénieur agroalimentaire, une spécialisation dans l’extraction végétale et un double diplôme à HEC, j’ai repris en 2004 un grossiste en produits de médecine alternative, Boutique Nature. Pendant sept ans, j’ai dirigé le Groupe et créé la filiale Bio Express, spécialisée dans la distribution de compléments alimentaires naturels et d’huiles essentielles en pharmacie. J’ai alors pris conscience du potentiel commercial à l’officine des médecines douces et de la naturopathie. Face à des circuits de distribution qui n’ont pas toujours une offre claire ou une bonne image auprès des consommateurs, la pharmacie a des atouts évidents pour développer ce marché. D’où ma décision de proposer aux pharmaciens un concept novateur dans ce domaine.

Quels sont ces atouts ?

A. M. : les médecines douces représentent des ventes annuelles de 2 milliards d’euros, tout circuit de distribution confondu. Par médecine douce, on entend la phytothérapie, l’homéopathie, les compléments alimentaires naturels, la micro-nutrition, les élixirs floraux, l’aromathérapie et par extension les cosmétiques bio. L’officine reste leader, avec une part de marché d’environ 55 %. Mais elle peut faire beaucoup mieux si les pharmaciens investissent ce marché avec une offre bien travaillée et un merchandising plus moderne. Dès qu’une question de santé se pose, si elle relève de l’automédication ou d’un problème bénin, le réflexe est de se tourner vers le pharmacien. Grâce à son monopole et au capital de confiance dont il bénéficie, le réseau officinal draine 2 à 3 millions de clients chaque jour. Aucun réseau de distribution ne bénéficie d’un tel avantage. Il existe, par ailleurs, une demande croissante des Français pour les médecines douces, l’officine doit pouvoir y répondre.

Comment définissez-vous l’offre et le concept d’Anton & Willem ?

A. M. : nous nous définissons comme une enseigne 100 % spécialisée sur la naturopathie. Notre objectif est de travailler sur une proposition de valeur forte sur le marché des médecines alternatives, sans remettre en question le cœur d’activité du pharmacien qui reste la dispensation des médicaments allopathiques. Les deux médecines ne s’opposent pas, mais se complètent. Une officine peut proposer les deux, si l’organisation des rayons est suffisamment claire et différenciée. Nous proposons aux pharmaciens un univers marchand global, avec un référencement de qualité, une marque propre et un category management adapté.

De quels services bénéficie le pharmacien qui adhère au concept Anton & Willem ?

A. M. : nous lui proposons un contrat de partenariat qui donne accès à 2 000 références, via les accords commerciaux que nous avons mis en place avec 70 laboratoires, une gamme exclusive à la marque Anton & Willem, une formation en naturopathie, un concept architectural pour l’installation du mobilier, ainsi que des conseils en merchandising et un accompagnement pour le déploiement du concept.

Quels sont les montants des droits d’accès, ainsi que le coût d’aménagement d’une officine Anton & Willem ?

A. M. : notre modèle est celui de la franchise. L’adhérent paie un droit d’accès de 20 000 € et une redevance annuelle de 5 % sur le CA HT de l’univers médecine douce. Nous proposons deux modalités d’accès à l’enseigne. Soit un réaménagement complet (aménagement intérieur et extérieur sur une surface de vente de 50 à 60 m2), qui représente un budget de 80 000 à 100 000 €, soit l’installation d’un shop-in-shop Anton & Willem. Certains pharmaciens ne peuvent envisager à court terme un réaménagement complet de leur officine, mais souhaitent installer un espace dédié à la naturopathie. Nous leur offrons donc cette possibilité, avec des shop-in-shop de 25 à 40 m2.

Quel est le profil type de vos adhérents ?

A. M. : notre concept est adapté aux officines de quartier ou de centre-ville, installées dans des grandes agglomérations ou dans des gros bourgs allant de 10 000 à 40 000 habitants, avec un chiffre d’affaires annuel de 700 000 à 1,2 million d’euros. Nous offrons un concept clé en main aux « petites » officines qui sont aujourd’hui les plus fragilisées. Mais nous avons aussi un adhérent qui réalise un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros... Les pharmaciens qui adhèrent à Anton & Willem refusent la fatalité de la voie du discount. Ils sont à la recherche d’un concept original et moderne, s’inscrivant dans une tendance de consommation pérenne, et permettant de préserver la dimension de conseil et de proximité.

Quels sont vos objectifs en nombre d’adhérents ?

A. M. : nous comptons actuellement 5 adhérents installés à Grenoble, Besançon, Caen, Sarrebourg et Châteauneuf-les-Martigues. 4 dossiers sont en cours de validation et nous sommes en discussion avec une dizaine d’autres pharmaciens. Notre objectif est d’atteindre 50 points de vente, ce qui constitue la taille minimale pour avoir une visibilité au niveau national. Nous estimons le potentiel de l’enseigne à 200 officines.

Comment envisagez-vous de financer le déploiement de l’enseigne ?

A. M. : pour financer le lancement d’Anton & Willem, nous avons procédé à une première levée de fonds de 500 000 €, auprès de l’entrepreneur français Alexandre Vilgrain (dirigeant du groupe SOMDIAA). Nous envisageons une deuxième levée de fonds courant 2017 pour accélérer le développement de notre enseigne.

Pour terminer, comment imaginez-vous l’avenir de la pharmacie d’officine ?

A. M. : je pense que le monopole officinal sera à terme supprimé sur l’OTC (médicaments sans ordonnance) et que l’officine française va évoluer vers un modèle anglo-saxon dans lequel l’activité générée par la prescription pharmaceutique sera de moins en moins rémunératrice. Il restera évidemment de « grosses » officines généralistes qui intègreront une offre discount plus ou moins importante selon leur zone de chalandise. Mais une majorité de pharmaciens va devoir envisager une diversification et/ou une spécialisation sur des marchés de niche et des services aux patients. Je crois au modèle de l’hyperspécialisation, qui a l’avantage d’être varié : le maintien à domicile (MAD), l’ultra-discount, la pharmacie vétérinaire... sont autant de voies de développement possibles. La naturopathie en est une autre, qui a toute sa place en pharmacie.

Fiche d’identité
Dénomination : Anton & Willem
Activité : enseigne de pharmacies spécialisée dans les médecines douces et la naturopathie
Siège social : Pertuis (84)
Chiffre d’affaires : 9,5 M€ (prév. 2016) avec 7 adhérents
Effectif : 3 personnes

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