Le pharmacien doit devenir un expert de la relation client



12 ans se sont écoulés entre la création de Paris Pharma et celle d’Aprium Pharmacie. Comment passe-t-on d’un réseau local à une enseigne nationale ?

Alain Hababou : l’aventure a démarré en 2006, année de création de Paris Pharma. Avec quelques titulaires installés dans Paris intra-muros, nous avons créé ce premier réseau autour de valeurs communes et d’une même vision de l’avenir. En 2013, nous ont rejoint des officines installées dans la région Rhône-Alpes, qui ont souhaité dupliquer notre modèle sous une même bannière régionale. Puis d’autres pôles régionaux se sont créés, dans le Nord de la France, en région PACA, et plus récemment dans l’Ouest et le Sud-Ouest. En 2019, nous rejoindrons des officines de la région Grand Est. Nous avons progressivement élargi notre ancrage dans 6 régions clés et notre ambition est effectivement d’atteindre une couverture nationale.

En 2018, Paris Pharma et ses antennes régionales se sont fédérées autour d’Aprium Pharmacie. Qu’est-ce qui a motivé ce virage stratégique ?

A. H. : la nécessité de créer une véritable dynamique d’enseigne. L’environnement de la pharmacie s’est considérablement durci au cours de ces dernières années. En outre, le métier de pharmacien évolue, avec les services pharmaceutiques et l’apparition du canal Internet. Cette situation nécessite d’autres formes d’organisation. Le temps où les pharmaciens pouvaient gérer seuls leur officine est révolu. L’administratif, les difficultés de recrutement, la gestion de plus en plus complexe des achats, les relations avec l’Assurance maladie… toutes ces tâches viennent « parasiter » ce qui doit demeurer le cœur de métier du pharmacien : la qualité de la relation client d’une part, le management des équipes officinales d’autre part. Notre vocation est d’apporter à nos adhérents les compétences RH et financières dont ils ont besoin. Et d’optimiser la gestion des achats et des opérations de sell-in/sell-out en renforçant notre pouvoir de négociation à l’égard des quelque 160 laboratoires avec lesquels nous travaillons. Nous proposons aujourd’hui l’offre de services la plus complète et efficiente, tant sur le front-office que sur le back-office.

L’ancrage régional est considéré comme un facteur clé de succès. Comment allez-vous concilier le développement d’Aprium Pharmacie et la nécessité de préserver cet avantage compétitif ?

A. H. : nous souhaitons préserver une organisation déconcentrée donnant une réelle autonomie aux pôles régionaux, notamment dans le recrutement de nouveaux adhérents. Cet ancrage régional fait partie de notre ADN. Nous sommes persuadés qu’il constitue un réel facteur clé de succès, car il permet de mieux comprendre les spécificités locales et les besoins réels des pharmaciens. Il n’est pas antinomique avec la logique de mutualisation propre à tout groupement et à notre stratégie d’implantation nationale, bien au contraire.

Quel est actuellement le nombre d’officines adhérant à Aprium Pharmacie et quel est leur profil ?

A. H. : mi-2018, nous comptons 280 pharmacies adhérentes, une cinquantaine par région. Elles réalisent en moyenne un chiffre d’affaires annuel de 3,5 à 3,6 M€ (avec des officines de plus de 10 m² d’espaces de vente) dont un peu plus de 40 % est réalisé grâce au hors monopole et à l’automédication. Comparées à l’ensemble du réseau, les officines Aprium Pharmacie sont donc atypiques, que ce soit par leur taille ou par la structure de leur activité. La force de notre réseau repose aussi sur son homogénéité. Les pharmaciens qui nous rejoignent partagent la même fibre entrepreneuriale et la même vision de l’avenir de la pharmacie. Nous assumons le fait que tous les pharmaciens ne peuvent ou ne souhaitent pas nous rejoindre.

Quels objectifs vous êtes-vous fixé en nombre d’adhérents ?

A. H. : notre objectif est d’atteindre entre 400 et 500 officines, ce qui représenterait un chiffre d’affaires global d’environ 2 Mds€ au niveau national.

En termes d’offres et de services, comment se distingue Aprium Pharmacie dans le paysage très morcelé de la pharmacie ?

A. H. : nous nous positionnons comme une enseigne « généraliste » travaillant sur une offre la plus compétitive possible. Nous ne sommes pas sur un positionnement low cost qui, selon nous, ne permet pas de pérenniser la rentabilité de l’officine. D’autant que le prix n’est pas le premier critère d’achat pour la parapharmacie et l’automédication. En revanche, nous travaillons pour garantir les meilleurs prix de vente et la disponibilité des produits les plus achetés. Il faut trouver un équilibre entre le « prix juste » et la largeur de gamme, sans tomber dans une offre discount. L’avenir de notre métier est d’améliorer l’expérience client en allant vers plus de services et de conseils, pas de casser les prix sur le hors monopole. Face à la grande distribution et aux géants du e-commerce, ce jeu-là est perdu d’avance.

Vous avez évoqué l’apparition du canal Internet. Comment abordez-vous le virage numérique de la pharmacie d’officine ?

A. H. : les pharmaciens doivent monter en compétences dans le domaine du digital. Ils doivent a minima proposer les services standards : réservation de produits, clic & collect, informations en ligne… pour pouvoir prétendre rivaliser avec les géants du web, les Amazon, Google et autres ! L’enjeu est de concevoir des services qui orientent le patient/client vers le point de vente et l’enseigne. La stratégie digitale de la pharmacie doit reposer sur une approche « web-to-store ». Sur la partie e-commerce, nous avons développé la vente en ligne de produits de parapharmacie associée au clic & collect. Nous proposons, par ailleurs, le scan d’ordonnances, la livraison en 2 h dans les grandes agglomérations, en partenariat avec La Poste, et l’orientation des patients vers des médecins et des paramédicaux dans le cadre des soins à domicile, grâce aux alliances passées avec mondocteur.fr et libhéros.fr.

Quels messages clés souhaitez-vous adresser aux pharmaciens ?

A. H. : rester sur son terrain de jeu et être toujours plus performant sur ses axes clés de compétences. Les développements digitaux et les services doivent renforcer notre cœur de métier, et ce, dans un environnement de plus en plus concurrentiel. C’est le rôle d’une enseigne que d’accompagner ses adhérents sur cette difficile ligne de crête.

Fiche d’identité
Dénomination : Aprium Pharmacie (depuis avril 2018)
Activité : réseau de pharmacies d’officine (30 permanents)
Chiffre d’affaires annuel moyen des officines : entre 3,5 et 3,6 M€
Nombre d’adhérents mi-2018 : 280 pharmacies
Équipes officinales : 2 500 personnes
Implantation géographique : France entière en 2019

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