Comment a démarré l’aventure Yogurt Factory ?
Emmanuel Tedesco : j’ai rencontré mon associé, Ouriel Hodara, il y a 10 ans, lors de nos études à HEC. Nous venons tous deux de familles d’entrepreneurs et quand nous nous sommes penchés sur notre avenir professionnel, nous avons eu l’envie de créer notre entreprise.
Nous sommes tombés d’accord sur la création d’une enseigne de yaourt glacé, une alternative saine et ludique à la glace : c’est un yaourt à 0 % de matières grasses personnalisable par le client qui ajoute au choix des toppings (garnitures). C’est lors d’un stage à New York que j’ai découvert le concept de frozen yogurt très mainstream outre-atlantique. Suite à une étude de marché, nous nous sommes rendus compte que la concurrence était peu présente. Nous nous sommes donc lancés à la sortie d’HEC en ouvrant notre première boutique à Marseille en juillet 2011 qui n’a, hélas, pas remporté le succès escompté.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
E. T. : nous avons commis un certain nombre d’erreurs au démarrage. La principale a été celle stratégique de l’emplacement quand on sait que les 3 règles d’or dans le retail sont « location, location, location ». Dans la précipitation, nous avons opté pour un local disponible à Marseille dans une zone qui s’est avérée insuffisamment dynamique en termes de flux avec beaucoup de fermetures de boutiques. Or, notre produit positionné « pause gourmande » relève de l’achat d’impulsion pour lequel il nous faut du flux pour fonctionner. De plus, nous avions misé sur Marseille en pensant que nous n’aurions pas de problème de saisonnalité compte tenu du climat. Or, dans les faits, on mange plus de glaces dans le nord de la France que dans le Sud. Par ailleurs, la boutique était un ratage architectural (parcours client, couleurs du magasin…) et notre offre commerciale, en faisant payer chaque topping, était mal positionnée. Nous avions certes une clientèle très fidèle. Mais, l’envers du décor quand vous reconnaissez trop vos clients, c’est que vous n’en avez pas assez… Nous avons toutefois persévéré car il y avait une vraie appétence pour le produit et notre marque détenait un fort capital sympathie. Cette phase de « test and learn » ne nous a heureusement pas conduit à l’échec comme c’est souvent le cas dans la restauration rapide.
Comment avez-vous rebondi ?
E. T. : nous avons tiré les leçons de nos erreurs pour rebondir. Rétrospectivement, nous considérons que Marseille est le laboratoire de notre marque qui nous a permis de peaufiner notre concept et aussi d’apprendre le métier de la restauration rapide sur le tas. Malgré les mauvais résultats enregistrés sur le premier point de vente, nous avons pu décrocher un prêt bancaire pour ouvrir un deuxième magasin à Paris, dans le Marais en juillet 2012, qui a tout de suite bien fonctionné. En 6 mois d’activité, nous avons généré plus de chiffre d’affaires qu’en un an à Marseille.
Nous avons réajusté le concept avec un prix fixe en fonction de la taille du pot qui donne droit à un nombre de toppings illimité.
Confrontés toutefois à la saisonnalité de notre activité en centre-ville, nous avons réalisé des tests sur notre offre en 2013 et 2014 dans des centres commerciaux, via des chariots mobiles, puis des kiosques éphémères. Ces tests s’étant avérés positifs, en décembre 2014, nous avons ouvert notre deuxième point de vente fixe à Beaugrenelle qui a, lui aussi, tout de suite marché. Nous tenions donc enfin le bon modèle économique avec deux déclinaisons : la petite boutique de centre-ville et le kiosque en centre commercial. La duplication de notre modèle était enfin possible.
Comment l’enseigne s’est-elle développée par la suite et avec quel financement ?
E. T. : nous avons pu faire une première levée de fonds d’un peu plus de 500 K€ en avril 2015 auprès d’un réseau de business angels Investessor. Nous avions, depuis le départ, en ligne de mire l’objectif de créer une chaîne nationale de yaourts glacés. Nous voulions continuer à ouvrir des boutiques en propre tout en lançant notre enseigne en franchise. Nous avons été accompagnés pour le déploiement en franchise par un avocat spécialiste qui nous a appris à devenir franchiseur et aidé à bâtir notre contrat de franchise.
En mars 2016, enfin prêts, nous participions à notre premier salon de la franchise. 2016 a été une année charnière très riche en développement et investissements : ouverture de 5 points de vente en propre et de 5 kiosques en franchise en centre commercial et changement de notre concept architectural avec une agence de design pour le rendre plus percutant et durable dans le temps.
Comment avez-vous géré ce déploiement soutenu sur 2016 ?
E. T. : cela nous a beaucoup désorganisé car nous sommes passés de 3 à 13 points de vente. Nous avons certes presque doublé notre chiffre d’affaires qui est passé de 1,2 M€ en 2015 à 2,1 M€ en 2016. Mais, dans le même temps, les investissements engagés ont pesé sur notre rentabilité et nous avons terminé l’année avec une perte de 100 K€. L’année suivante, nous avons donc ralenti le rythme des ouvertures en propre pour digérer les investissements de 2016 et nous nous sommes attelés avant tout à consolider notre réseau existant de boutiques en propre pour le rentabiliser.
Nous avons, en revanche, continué à essaimer en franchise avec 8 nouveaux points de vente. Nous avons terminé l’année 2017 dans le vert avec un résultat net de 200 K€. Côté chiffre d’affaires, notre société, Tera, a terminé l’année à 2,75 M€ et le réseau à 4,5 M€.
Quels sont vos projets sur 2018 ?
E. T. : en 2018, nous repartons de l’avant dans notre développement puisque nous ambitionnons de passer de 21 à 38 points de vente avec 18 unités en propre et 20 en franchise. Pour accélérer cet essor en propre, nous sommes en train de racheter plusieurs fonds de commerce d’une société un peu similaire à la nôtre. Dans le cadre du rachat, nous projetons de faire une 2e levée de fonds. À la fin de l’année, nous serons présents dans les principales villes de France. Pour 2018, nous prévoyons un chiffre d’affaires de 4,3 M€ pour notre société et de 8,5 M€ pour le réseau.
Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
E. T. : nous souhaitons être « l’Amoreno du yaourt glacé ». Comme lui, nous visons un parc hexagonal de 50 à 60 points de vente à horizon 2 ans. Au-delà des centres commerciaux, nous envisageons un développement dans les autres zones de flux (gares, aéroports…).
À plus long terme, nous ambitionnons de confronter notre concept à la concurrence à l’international.
Fiche d’identité
Dénomination : Yogurt Factory
Activité : restauration rapide
Chiffre d’affaires 2017 : 2,75 M€ pour Tera et 4,5 M€ pour le réseau
Effectif : 60 personnes (y compris saisonniers)
© Les Echos Publishing - 2017