Les mesures de prévention des difficultés des entreprises



Résumé : La prévention est au cœur des réformes engagées ces 10 dernières années en matière de difficultés des entreprises. Parmi les dispositifs de prévention mis en place, le plus connu à ce jour est probablement la procédure de sauvegarde.Comme pour le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire, l’entreprise sous sauvegarde bénéficie de la suspension des poursuites. En outre, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde donne lieu à la désignation d’un mandataire judiciaire − chargé notamment de la protection des intérêts des créanciers – et… à publicité. Cette publicité, qui vise à informer les tiers de l’ouverture de la procédure, est l’un des inconvénients de la…

La procédure de conciliation

La procédure de conciliation permet de trouver un accord entre le représentant de l’entreprise en difficulté et ses principaux créanciers. Les raisons du succès de ce dispositif.

La procédure de conciliation est ouverte à toute entreprise (individuelle, société, GIE) exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux personnes morales de droit privé, aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante – y compris les professions libérales réglementées –, éprouvant des difficultés avérées ou prévisibles ou qui se trouvent en état de cessation des paiements depuis 45 jours au plus.

À noter : seules les entreprises agricoles sont écartées de ce dispositif, celles-ci bénéficiant d’une procédure spécifique.

La conciliation vise essentiellement à permettre à l’entreprise de conclure avec ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, un accord amiable destiné à mettre fin à ses difficultés.

La négociation de cet accord est confiée à un conciliateur désigné par le président du tribunal de commerce ou le président du tribunal de grande instance (selon le type d’entreprise concernée).

Ouverture de la procédure

La procédure de conciliation est déclenchée à l’initiative du chef d’entreprise lui-même, qui saisit à cet effet, par requête, le président du tribunal de commerce (pour les entreprises exerçant une activité commerciale ou artisanale) ou le président du tribunal de grande instance (dans les autres cas).

S’il accepte cette requête, le président du tribunal ordonne la conciliation et désigne un conciliateur, dont il fixe la mission et la rémunération.

Dans le cadre de sa requête, le chef d’entreprise peut proposer au tribunal le nom d’un conciliateur.

Précision : la mission de conciliateur est interdite à certaines personnes et, en particulier, à celles ayant, au cours des 24 derniers mois, perçu une rémunération ou un paiement de la part du débiteur ou d’un de ses créanciers, sauf s’il s’agit d’une rémunération perçue au titre d’un mandat ad hoc ou d’une mission de conciliation réalisée par le même débiteur ou le même créancier.

Le débiteur peut également faire récuser le conciliateur désigné par le président du tribunal, notamment s’il existe un lien entre le conciliateur et l’un de ses créanciers ou s’il existe une cause de défiance entre le conciliateur et le débiteur.

Conclusion d’un accord

Le conciliateur a 5 mois au plus pour rechercher un accord entre l’entreprise et ses partenaires. En fait, il est désigné pour une durée initiale de 4 mois maximum. Mais il peut solliciter un renouvellement mais sans que la durée totale (durée initiale + renouvellement) puisse excéder 5 mois.

L’accord conclu dans le cadre de la conciliation emporte arrêt des poursuites individuelles contre l’entreprise par les créanciers parties à l’accord en ce qui concerne les créances qui en font l’objet.

À noter : l’arrêt des poursuites bénéficie également aux personnes ayant consenti une sûreté personnelle en faveur de l’entreprise (les cautions notamment) ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie d’une dette de celle-ci.

L’accord ainsi obtenu peut être simplement constaté par le président du tribunal ou homologué.

L’accord simplement constaté ne fait l’objet d’aucune publicité et n’est opposable qu’à ses seuls signataires.

L’accord homologué, quant à lui, fait l’objet d’une mesure de publicité et devient opposable à tous les créanciers de l’entreprise (et pas uniquement aux créanciers signataires).

À noter : l’homologation doit être demandée au tribunal par le débiteur. Elle n’est possible que si les conditions suivantes sont réunies :
- l’entreprise n’est pas en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin ;
- les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’entreprise ;
- l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.

Les avantages de la conciliation

À la différence de la procédure de sauvegarde, la conciliation est envisageable même en cas de cessation des paiements. Seule condition : que la cessation des paiements ne date pas de plus de 45 jours au jour du dépôt de la requête en ouverture de conciliation.

Et surtout, la conciliation est gouvernée par un principe de confidentialité :

- l’ouverture de la procédure ne donne lieu à aucune publicité ;

- toute personne appelée à la conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité ;

- l’existence même de l’accord conclu peut rester confidentielle si les parties se bornent à faire constater celui-ci. En cas d’homologation, l’existence de l’accord est révélée, mais pas son contenu, le jugement d’homologation ne reprenant pas les termes de l’accord. En effet, il mentionne uniquement les garanties et privilèges constitués pour en assurer l’exécution et les montants garantis par le privilège de remboursement des aides éventuellement consenties au débiteur.

À savoir : une récente ordonnance (12 mars 2014) a élargi l’objet de la conciliation. À la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, le président du tribunal peut charger le conciliateur d’organiser la cession partielle ou totale de l’entreprise, susceptible d’être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure collective ultérieure.

Les inconvénients de la conciliation

Contrairement à la procédure de sauvegarde, la conciliation ne donne pas lieu, pour le temps de la procédure, à suspension des poursuites. Pendant toute la durée de la procédure, les créanciers peuvent donc continuer d’agir en paiement à l’encontre du débiteur.

Toutefois, ce dernier peut demander des délais de paiement (de 2 ans maximum) au président du tribunal.

Cette faculté a d’ailleurs été élargie par l’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises.

Désormais, ces délais de paiement peuvent être sollicités aussi bien pour les mises en demeure et poursuites engagées par un créancier au cours de la procédure de conciliation que pour celles qui sont antérieures à la procédure.

Le débiteur peut même demander des délais de paiement pendant la durée de l’exécution de l’accord constaté ou homologué, lorsqu’il est mis en demeure ou poursuivi par l’un des créanciers appelés à la conciliation dans le but d’obtenir le paiement d’une créance qui n’a pas fait l’objet d’un accord.

À noter : aucun délai de paiement ne peut toutefois être imposé à l’administration fiscale ni aux organismes sociaux.

Conclusion

En pratique, la conciliation se révèle particulièrement intéressante pour les entreprises dont l’endettement se concentre autour de quelques partenaires bien identifiés, en particulier les banques et les gros fournisseurs.

Elle favorise une sortie de crise, dans un cadre négocié et « feutré », ce qui est particulièrement bienvenu dans la vie des affaires.

De fait, depuis sa création en 2005, la mesure de conciliation a séduit de nombreuses entreprises en difficulté.

Le mandat ad hoc

L’autre dispositif phare en matière de prévention des difficultés de l’entreprise est le mandat ad hoc. Son principal atout réside dans sa grande souplesse.

Le mandat ad hoc est une mesure aux contours particulièrement souples.

La loi prévoit simplement que toute entreprise peut solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc auprès du président du tribunal (tribunal de commerce ou tribunal de grande instance selon le type d’entreprise concernée).

À noter : comme pour la conciliation, le débiteur peut proposer – avec les mêmes limites – le nom d’un mandataire.

Le président du tribunal fixe la mission et la rémunération du mandataire ad hoc.

À la différence de la conciliation, la loi n’assigne pas d’objectif particulier au mandat ad hoc. Le président du tribunal définit donc avec la plus grande liberté la mission du mandataire.

À noter : le mandataire ad hoc peut notamment avoir pour mission de négocier des conventions, de convoquer des assemblées, etc.

Ce cadre indéterminé permet au mandat ad hoc de s’adapter à toutes sortes de situations de crise et en particulier à celles trouvant leur origine dans un problème de gouvernance ou de conflit interne.

Et comme pour la conciliation, la confidentialité gouverne le mandat ad hoc : toute personne qui est appelée à un mandat ad hoc, ainsi que toute personne qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité.

Notre conseil : la crise économique a certainement décomplexé beaucoup de chefs d’entreprise. Ceux-ci sont moins réticents à aller exposer leurs difficultés devant un tribunal. Reste qu’ils sont encore trop nombreux, en particulier du côté des petites entreprises, à méconnaître les procédures préventives qu’ils pourraient mettre en œuvre et dont ils pourraient bénéficier. Pourtant, elles ne doivent pas hésiter à les engager car plus tôt l’entreprise aura su appréhender ses difficultés, plus grandes seront ses chances de rebondir et d’éviter le dépôt de bilan.

Les autres mesures de prévention

L’adhésion à un groupement de prévention agrée et le pouvoir d’alerte du tribunal constituent d’autres mesures de prévention mais peu utilisées par les entreprises.

Outre la conciliation et le mandat ad hoc, il existe d’autres mesures de prévention des difficultés. On citera en particulier l’adhésion à un groupement de prévention agrée (GPA) et le pouvoir d’alerte du tribunal de commerce. Mises en place depuis de nombreuses années, ces mesures sont néanmoins très peu utilisées en pratique.

L’adhésion à un GPA

Les personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, les GIE, les personnes morales de droit privé et les EIRL peuvent adhérer à un groupement de prévention agréé par le représentant de l’État dans la région.

Le GPA est notamment habilité à fournir à ses adhérents, de façon confidentielle, une analyse des informations économiques, comptables et financières que ceux-ci s’engagent à lui transmettre régulièrement. Si, à l’analyse de ces informations, le groupement relève des indices de difficultés, il en informe le chef d’entreprise et peut même lui proposer l’intervention d’un expert.

Dans le cadre de leurs missions, les GPA peuvent bénéficier d’aides des collectivités territoriales et sont habilités à conclure, notamment avec les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d’assurance, des conventions au profit de leurs adhérents.

Remarque : créé en 1984, le dispositif GPA n’a guère suscité l’intérêt des entreprises et il existe d’ailleurs assez peu de GPA ouverts en France.

Le pouvoir d’alerte du tribunal

Lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une entreprise individuelle ou une société, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, le chef d’entreprise peut être convoqué par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.

À l’issue de cet entretien, ou si le débiteur n’est pas venu, le président du tribunal peut obtenir la communication par les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information de la situation économique et financière de l’entreprise.

En pratique : les tribunaux de commerce usent peu de ce pouvoir d’alerte.

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